Monsieur le président, monsieur le ministre, dans son rapport 2015 que nous venons de recevoir, le Médiateur fédéral pointe une fois de plus la problématique des tarifs téléphoniques en prison. Cette problématique avait fait l’objet d’une recommandation dans son précédent rapport et celle-ci ne semble pas avoir abouti à des mesures concrètes permettant d’y remédier.

Le rapport 2015 rappelle donc qu’il est impératif de « ramener les tarifs téléphoniques facturés aux détenus dans les prisons à un niveau qui puisse être considéré à l’extérieur des prisons comme conforme au marché. En cas d’écart, les éléments qui y conduisent et la manière dont ils sont comptabilisés doivent être transparents ».

Le tarif actuellement en vigueur correspondrait au tarif Belgacom en vigueur au 12 décembre 2002. Et, pour les appels internationaux, c’est encore plus flagrant. Le tarif fixé s’aligne sur le tarif fixé par Belgacom en 2002 dans les cabines publiques selon les destinations.

Pour une conversation téléphonique vers un gsm aux heures pleines (un jour de semaine de 8 h à 19 h), le détenu paie 0,23 euro pour 18 secondes. Le détenu paie donc 7,67 euros pour une conversation de 10 minutes. Ce système tarifaire est totalement dépassé et encourage l’introduction frauduleuse de gsm en prison.

En 2013 déjà le Médiateur fédéral indiquait à la DG Établissements pénitentiaires (EPI) que ces tarifs étaient obsolètes et trop élevés en comparaison avec les tarifs actuellement en vigueur sur le marché, d’autant plus que la même DG devrait en principe pouvoir négocier un prix préférentiel pour les prisons étant donné qu’elle constitue, vu le nombre important de détenus, un client important. À la suite de cette recommandation, la DG EPI avait annoncé qu’elle projetait de lancer en 2014 un marché public pour rénover l’entièreté du système de téléphonie dans l’ensemble des établissements  pénitentiaires.

Interrogé sur le sujet par ma collègue, Mme Khattabi, en octobre 2014, vous affirmiez par ailleurs que « si le renouvellement du système de téléphonie devait entraîner une diminution des tarifs téléphoniques, une totale équivalence avec les tarifs en vigueur sur le marché ne sera toutefois pas possible ».

Monsieur le ministre, tout comme le Médiateur fédéral, je souhaiterais vous poser les questions suivantes. Confirmez-vous les tarifs téléphoniques pratiqués aujourd’hui dans nos anciennes prisons et le fait que les nouvelles prisons bénéficient d’un tarif plus avantageux?

Où en est le projet de lancer un marché public pour la rénovation du système de téléphonie? Si celui-ci n’a pas encore été lancé, pourquoi? S’il est en cours, quel est le timing prévu?

Quelles mesures envisagez-vous de prendre au cours de cette législature pour répondre à la recommandation du Médiateur fédéral à ce sujet?

Pourquoi une équivalence des tarifs téléphoniques avec les tarifs en vigueur sur le marché n’est-elle pas possible? S’il est évident qu’un système de communication en prison doit répondre à des conditions spécifiques qui ont potentiellement des implications financières, pourquoi une prise en charge par l’État de ce surcoût n’est-elle pas envisageable, à tout le moins pour les détenus les plus démunis?

Koen Geens, ministre: Monsieur le président, monsieur  Vanden Burre, les tarifs en vigueur diffèrent actuellement selon qu’il s’agit d’anciennes ou de nouvelles prisons. Pour les premières, les appels téléphoniques nationaux vers une ligne fixe coûtent 0,23 euro pour 50 secondes ou 100 secondes selon qu’il s’agit d’heures de pointe (8 h à 19 h du lundi au vendredi) ou d’heures creuses (de 19 h à 8 h du lundi au vendredi et toute la journée les week-ends et jours fériés). Les appels téléphoniques vers un gsm coûtent effectivement 0,23 euro pour 18 secondes en heures de pointe et pour 36 secondes en heures creuses. Pour les secondes, les tarifs sont ceux précisés ci-avant diminués de 10 %.

La première étape du projet de rénovation du système de téléphonie consiste à câbler les prisons afin de permettre un accès au téléphone depuis chaque cellule. Ce projet est aujourd’hui lancé. Le chantier de la prison de Turnhout se termine et celui de la prison de Lantin est en cours. Seront encore lancés et exécutés en 2016 les chantiers des prisons de Bruges et de Nivelles. Le planning prévoit que l’ensemble soit terminé en 2018 au plus tard. Dès la fin de 2017, près de 50 % de la population pénitentiaire bénéficiera de ce nouvel accès.

Cela étant, pour concrétiser le projet, il convient qu’un marché public relatif à la téléphonie soit lancé et attribué. Les dernières étapes de la réalisation de ce marché sont actuellement en cours. Une publication devrait être possible dans les mois à venir. Avec un câblage permettant la téléphonie depuis chaque cellule et, surtout, l’attribution d’un marché téléphonique national, l’objectif visé est de ramener le coût des communications à un tarif proche de celui présent sur le marché, ce qui répondra à la demande du Médiateur fédéral.

Un système de communication en prison doit effectivement répondre à des conditions spécifiques qui ont un impact sur le coût. Le système est complexe en raison du nombre élevé d’utilisateurs (plus ou moins 11 000), et doit en outre répondre à des exigences de sécurité. L’acquisition du matériel, son entretien et son remplacement ont également un coût important. Le tout a donc un impact sur les tarifs pratiqués. À l’heure actuelle, aucun budget n’est disponible pour permettre à l’État de prendre en charge le surcoût.

Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses. Je prends bonne note du fait que les installations sont en cours et que d’ici fin 2017, 50 % de la population pénitentiaire aura accès à ces nouveaux équipements téléphoniques. Nous suivrons ce dossier de près.

Nous constatons néanmoins qu’une forte différence existe, notamment pour les détenus les plus précarisés, par rapport à des conditions de vie en prison qui sont extrêmement difficiles. Je reviendrai certainement sur ce sujet prochainement. Enfin, nous serons attentifs à l’avis du Médiateur sur cette question.

Question orale posée en commission de la Justice le 8 mai 2016.