Monsieur le président, monsieur le ministre, le lundi 20 juin dernier, bpost lançait son nouveau service bringr, une application qui permet à quiconque ou presque qui le souhaite de s’improviser livreur de colis. Pour l’instant,l’expérience est confinée à Anvers, en tant que projet pilote (en tout cas au niveau du point de retrait du colis) et, en cas de succès, sera élargi à plusieurs villes. C’est ce qui est confirmé par la direction de bpost.

Avec plus de 300 livreurs amateurs inscrits sur la première journée, on peut constater que ce nouveau service suscite clairement de l’intérêt. En quelques mots, ce service bringr propose de mettre en contact les entreprises ou les personnes qui veulent expédier un bien avec des particuliers qui souhaitent, eux, arrondir leur fin de mois en devenant livreur à la demande. Via un système de plate-forme, l’offre et la demande se rencontrent et s’organisent, moyennant une rémunération à la course fixée selon, ce qui a été annoncé par bpost, la taille, le poids du colis et la distance à parcourir, accompagnée d’une commission pour bpost.

Nous sommes dans de l’économie collaborative, et plus particulièrement dans une plate-forme internet, secteur en pleine croissance. Cela suscite de nombreuses questions et nécessite des lignes directrices importantes. Á cet égard, vous avez récemment introduit avec le gouvernement un statut fiscal et social spécifique. Nous avons eu l’occasion de réagir, la semaine dernière, en séance plénière à ce sujet. À nos yeux, ce statut est incomplet.

Concrètement, selon la direction de bpost, il n’est pas question ici de cannibaliser l’activité de la poste belge. Au niveau de celle-ci, 126 000 colis sont traités en moyenne chaque jour via bpack. Selon la direction de bpost, « bringr est un service à valeur ajoutée, plus cher avec un retrait à domicile et non en bureau de poste, et une livraison dans la journée ».

Monsieur le ministre, concernant ce nouveau projet et cette évolution de bpost, entreprise publique de livraison de colis, vers l’économie de plate-forme, je souhaite vous poser différentes questions.

Tout d’abord, une sélection s’opère-t-elle à la base concernant les livreurs inscrits sur le site? Quels éléments leur sont-ils présentés? Quelles conditions de travail précises sont-elles proposées? Quelle information leur est-elle livrée?

Ensuite, le prix est déterminé en fonction du poids et de la taille de l’objet ainsi que de la distance à parcourir, mais que représente-t-il en termes de tarif horaire pour les livreurs? C’est en effet ainsi que nous pourrons nous faire une idée de la qualité de l’emploi horaire. Qui gère l’application et le site internet bringr? Quels sont les critères économiques et sociaux pris en compte dans l’analyse de la phase test pour déterminer si l’opération sera un succès et si elle sera étendue à d’autres villes? Comment allez-vous mesurer le degré de satisfaction des livreurs et des clients? L’impact sur le chiffre d’affaires du service classique bpack sera-t-il évalué? Cela me semble un facteur crucial. En effet, si bringr ne sert qu’à cannibaliser les services fournis par les employés de bpost, l’objectif sera manqué. De même, nous risquons d’assister à une surenchère à la baisse des conditions de travail. Ce ne serait évidemment pas acceptable.

Enfin, bpost s’est-il inspiré d’exemples belges ou étrangers pour développer ce service et cette application?

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Alexander De Croo, ministre: Monsieur le président, bringr est une plate-forme collaborative qui met en relation un expéditeur, un destinataire et un livreur pour la livraison d’un bien spécifique. Cette solution s’adresse davantage aux particuliers ou aux entreprises pour des petits volumes spécifiques. Cette plate-forme a été lancée par bpost comme un projet pilote, d’abord avec la ville d’Anvers et, depuis la semaine passée, avec la province d’Anvers en tant que lieu d’enlèvement pour des livraisons dans tout le pays.

Avec bringr, bpost complète son offre de solutions de livraison de biens. bringr est une solution flexible et facile qui répond à des besoins précis. Il cible davantage les petits volumes et les demandes spécifiques, auxquels les réseaux existants de bpost ne répondent pas aujourd’hui. Un client avec de gros volumes ne fera jamais appel à un service comme bringr qui n’est pas adapté à ce cas. Il utilisera pour cela les forces d’autres réseaux. bringr est donc complémentaire à d’autres réseaux de bpost, qui conserveront leur positionnement en fonction des besoins du client et du type de livraison.

Il y a d’abord la livraison à domicile pour les envois standard à une adresse donnée entre 9 h et 17 h, les bureaux de poste et les Points Poste pour le choix du dépôt et la livraison dans un lieu de proximité, à des horaires élargis, Euro-Sprinters pour les livraisons très urgentes des entreprises et les formats hors normes en Belgique et à l’étranger (plus d’intervention technique). Nous avons aussi CityDepot, pour le stockage des marchandises en périphérie des villes et leur livraison dans les centres des villes.

bpost est facilitateur et propriétaire de cette plateforme collaborative. bringr est une première pour la Belgique, et suit l’exemple de Postmates et UberRUSH aux États-Unis, de Stuart et Colis Voiturage en France, et de tiramizoo en Allemagne.

Le prix est déterminé en fonction du poids et de la taille de l’objet à livrer, ainsi que de la distance à parcourir. Il s’agit d’une transaction entre l’expéditeur du paquet et le livreur. Le prix de celle-ci couvre la commission pour l’utilisation de la plate-forme et une rémunération pour le livreur, qui est suffisamment élevée pour couvrir les frais du chauffeur.

Les partenaires sociaux ont été largement informés de ce projet pilote. La direction de bpost a assuré que le lancement de la plate-forme collaborative pour l’expédition de biens n’aura pas d’impacts négatifs sur l’emploi, le salaire ou le statut des employés au sein de l’entreprise. Elle a expliqué que cette plate-forme était complémentaire à l’activité existante.

Les livreurs doivent répondre aux conditions suivantes: avoir au moins 18 ans, avoir un titre de séjour valable en Belgique. Dans le cas d’une personne morale, celle-ci doit être constituée conformément aux dispositions réglementaires; être en possession des licences et permis nécessaires au moment du service (permis de conduire, assurance automobile, pas de déchéance du droit de conduire, etc.); les livreurs doivent également respecter un code de conduite relatif à la non-discrimination en termes de race, religion, sexe, âge, préférence sexuelle, état civil.

Compte tenu de la courte période de fonctionnement de la plate-forme, un profil des livreurs ne pourra pas encore être établi. Jusqu’à présent, il n’y avait aucune mention d’accident. Bringr joue le rôle de facilitateur. La seule obligation de bpost en sa qualité de propriétaire concerne le bon fonctionnement de la plate-forme.

Il n’y a pas de relation contractuelle entre bpost, d’une part, et l’expéditeur, le destinataire ou le livreur, d’autre part, et la responsabilité d’entreprise ne joue pas. La décision de continuer ou non ce projet sera prise en fonction de la faisabilité opérationnelle et d’une demande suffisante sur le marché. Le détail financier de ce projet fait partie de l’information confidentielle de l’entreprise. C’est quand même un bon exemple d’une entreprise publique belge, qui prend son futur en mains au lieu de le subir.

Cette évolution de modèle économique et d’évolution technologique aura de toute façon lieu. On pourrait attendre et se plaindre par la suite ou choisir de prendre l’avenir de l’entreprise en mains en donnant forme à ce genre d’activités. C’est la meilleure garantie pour rester à la pointe du progrès et permettre la création d’emplois dans notre pays.

Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses. Il y a quelques éléments dont vous n’avez pas parlé. Le projet pilote venant d’être lancé, je comprends que vous ne disposiez pas de toutes les informations. Vous êtes resté assez vague sur les conditions sociales et les relations avec les autres services de bpost.

Au sujet de votre dernier commentaire, il est bien qu’une entreprise publique puisse innover et se lancer dans de nouveaux produits, collaboratifs ou via certaines plates-formes internet. Les écologistes ne trouvent pas cela mal en soi, au contraire, mais il ne faut pas y aller aveuglément, sans garde-fous, avec des conditions sociales au rabais. Il ne faut pas utiliser Bringr dans le but d’avoir des conditions sociales précarisées pour les livreurs par rapport aux facteurs et aux employés de bpost. C’est la pierre d’achoppement fondamentale de l’ensemble. Si cela s’inscrit dans une perspective innovante, collaborative, avec un servie public assuré et des gains distribués aux différents acteurs avec des garde-fous clairs, cela peut être intéressant. Mais si c’est pour substituer les livreurs de Bringr aux employés de bpost et avoir une main-d’oeuvre qui coûterait moins cher, on rate complètement l’objectif et on entre dans une précarisation inacceptable que les écologistes dénonceront.

Soyons innovants, allons vers ces nouveaux modèles collaboratifs qui sont très intéressants mais n’y allons pas sans garde-fous. Pour l’instant, c’est encore vague; je ne suis donc pas totalement rassuré. Il serait bon de faire une évaluation claire, précise et chiffrée de ce service dans quelques mois.

Question orale posée en commission de l’Infratructure le 12/07/2016.