Cumul de mandats (y compris publics et privés), jetons de présence exorbitants pour quelques réunions par an, conflits d’intérêts, placements de copains ayant la même couleur politique, soupçons d’emplois fictifs ou honoraires facturés indécents. Que ce soit dans l’affaire du Kazakhgate, de Publifin ou du Samusocial, plusieurs de ces comportements inacceptables s’y retrouvent systématiquement et jettent l’opprobre sur l’ensemble de la classe politique. Une des solutions les plus directes et les plus efficaces contre ces dérives est le décumul intégral, c’est-à-dire un mandat à temps plein par personne, point à la ligne. Une des vertus, trop peu mise en avant, de cette mesure est le renouvellement. En effet, le fait de n’exercer qu’un seul mandat permet à d’autres femmes et hommes politiques d’émerger et de participer à la gestion de leur commune, de leur région ou de leur pays. Cette notion de renouvellement est dès lors fondamentale dans la crise que nous traversons actuellement pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, ma conviction est que les pratiques politiques décriées ne vont véritablement évoluer qu’avec une nouvelle génération politique, provenant en grande partie de la société civile, et fonctionnant de manière plus transparente et plus en phase avec les attentes éthiques du 21e siècle. Un profond changement culturel est indispensable afin de sortir du « on a toujours fait comme ça » et du copinage malsain consistant à recruter des gens en fonction de leur couleur politique. Cela ne signifie bien sûr pas de dégager tous ceux qui sont en place aujourd’hui, mais plutôt injecter un nouveau souffle capable de rompre avec les pratiques du passé. Aucune organisation ne peut se transformer en profondeur sans oxygène neuf, sans idées fraîches ou approche innovante. La politique n’échappe pas à la règle et un tel chantier ne peut donc être entrepris exclusivement par ceux et celles qui sont aux commandes depuis des décennies. Un mélange d’expérience et de renouvellement est donc indispensable afin de mettre sur les rails la révolution éthique que nos concitoyens attendent. Par ailleurs, ce renouvellement rime aussi avec nouvelles compétences apportées par les différentes expériences des personnalités issues de la société civile : artisans, enseignants, entrepreneurs, ouvriers, académiques, médecins… Trop souvent, les partis traditionnels voient l’arrivée de ces profils extérieurs au sérail politique comme une difficulté, car le métier est « complexe« , il faut « du temps pour saisir les rouages du travail parlementaire« , ou « ce n’est pas simple de négocier avec d’autres formations« , etc. De fausses excuses, à mon sens, qui ne servent qu’à justifier un certain immobilisme ambiant. Pour preuve, je vais prendre mon cas personnel. Député fédéral depuis deux ans, je n’avais jamais travaillé en politique auparavant. Alors oui, comme tout nouveau boulot, il faut apprendre durant les premiers mois, comprendre le suivi des dossiers à la Chambre, poser les bonnes questions ou interpellations au moment opportun et manoeuvrer subtilement en vue de faire passer l’un ou l’autre amendement, surtout depuis les bancs de l’opposition. Mais, franchement, à la condition d’être bien entouré, rien de plus que lors de tout changement professionnel impliquant une fonction à responsabilité dans un nouveau secteur d’activité. Ce qui compte c’est avant tout le niveau d’expérience, de motivation et d’expertise que l’on apporte avec soi.

Il est dès lors urgent de mettre en place des outils permettant de favoriser ce renouvellement décrit plus haut. En premier lieu, le décumul intégral bien sûr, mais, seul, il ne sera pas suffisant. Un deuxième axe important est le renforcement de la participation citoyenne au sein de nos instances démocratiques. Grâce à des mécanismes tels que le budget participatif, les commissions mixtes (composées de députés et de citoyens tirés au sort) ou les consultations populaires. En effet, chaque fois que les citoyens seront amenés à débattre, argumenter, et décider avec les mandataires élus, des engagements vont certainement s’approfondir, des envies se concrétiser ou des vocations voir le jour. Ce rapprochement est vital si la politique veut retrouver un pouvoir d’attraction digne de ce nom auprès de nos concitoyens, tous horizons confondus. Un troisième volet me paraît également indispensable : intégrer des citoyens, non politisés, dans les organes de fonctionnement des ASBL publiques, tant décriées pour l’instant. Pourquoi ne pourrait-on pas imaginer qu’une partie significative des conseils d’administration d’institutions publiques ou d’ASBL dépendant de Collèges communaux (Samusocial, Les Cuisines bruxelloises, les intercommunales…) ne soit composée de citoyens choisis pour leur compétence et non pour leur appartenance à un parti ? C’est déjà le cas dans de nombreuses associations sportives, d’ONG ou d’ASBL issues de la société civile. Pourquoi pas dans les organismes liés aux administrations communales ou régionales ? Poser la question, c’est y répondre.

Enfin, aucun renouvellement ne sera possible si les partis politiques traditionnels ne le mettent pas en oeuvre pour eux-mêmes. Cela signifie placer des hommes et des femmes neufs, et issus de la société civile, en position éligible sur les listes électorales. Pas juste des « nouvelles têtes » qui évoluent dans le milieu politique depuis longtemps, dans l’ombre, mais des professionnels issus d’autres secteurs qui, par leur vécu, vont apporter leur expérience au service de la gestion publique.

Un changement profond, presque révolutionnaire, de la culture et des pratiques politiques ne pourra se faire qu’au prix d’un tel renouvellement. C’est la condition sine qua non pour redonner ses lettres de noblesse à la fonction politique et pour retisser des liens, de plus en plus fragiles, avec nos concitoyens. Il est temps d’agir, et vite !