photo d’illustration : le logo de la Protection civile

03.01 Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, cet été, nous avions formulé la demande de pouvoir débattre de l’évolution du dossier de la réforme de la protection civile.

En avril dernier, vous annonciez une réduction de 30 % des effectifs et la fermeture de quatre des six casernes. Dans ce cadre, seules celles de Brasschaat et de Crisnée resteraient ouvertes, alors que celles de Ghlin, Liedekerke, Jabbeke et Libramont devraient fermer. Au mois de juillet, nous avons appris par voie de presse que le gouvernement bruxellois allait activer une procédure en conflit d’intérêts contre ce projet. En effet, la Région de Bruxelles-Capitale se sent objectivement lésée, puisque la caserne la plus proche va devenir celle de Brasschaat, située à environ une heure de route – au lieu de celle de Liedekerke, qui est beaucoup plus proche. De plus, la secrétaire d’État bruxelloise, Cécile Jodogne, a déclaré que vous aviez refusé toute concertation avec vos homologues bruxellois.

Entre-temps, nous avons pu entretenir des échanges avec vous-même ou votre cabinet. Mon groupe avait ainsi demandé l’organisation d’une réunion au mois d’août. Vous aviez alors déclaré que vous alliez rencontrer le cabinet de Mme Jodogne. Le mois dernier, la presse a rapporté que plusieurs réunions avaient eu lieu et que, finalement, la Région bruxelloise n’introduirait pas – sauf nouveau rebondissement – de procédure en conflit d’intérêts.

Cet enchaînement de péripéties dans un dossier aussi fondamental, qui avait suscité de sérieuses réserves de notre part – puisque notre conception de la réforme de la protection civile ne consiste pas à vouloir fermer autant de sites et réduire les effectifs -, me conduit à vous poser plusieurs questions.

Premièrement, quelles sont les réponses que vous avez apportées à la demande de concertation émanant du gouvernement bruxellois? Vous n’auriez en effet pas répondu à certains de ses courriers. Vous aurez remarqué mon emploi du conditionnel. C’est pourquoi j’aimerais obtenir de la clarté quant à votre volonté de dialoguer avec la Région de Bruxelles-Capitale. Vous connaissez notre attachement à un débat adulte et constructif entre les Régions pour que le fédéralisme fonctionne – même si c’est actuellement tant bien que mal.

Deuxièmement, quelles sont les conclusions des réunions de concertation que vous avez eues avec le gouvernement bruxellois sur ces sujets? Des pistes de solution spécifiques ont-elles été dégagées pour Bruxelles et la Région bruxelloise en particulier, notamment en termes de maintien d’une certaine capacité? On ne doit pas rappeler toutes les menaces de sécurité qui pèsent sur le pays, en particulier sur la Région, et on sait que des infrastructures propres y sont nécessaires. Quelles sont donc les conclusions de vos réunions?

Enfin, quel est le plan d’action des semaines et des mois à venir concernant la mise en place de la réforme en général et les suites des discussions que vous avez eues avec la Région bruxelloise et avec les syndicats?

Je crois que c’est l’occasion de faire le point dans ce débat d’actualité.

03.04 Jan Jambon, ministre: Chers collègues, je pense avoir déjà répondu à plusieurs de vos questions, mais repetitio mater studiorum.

La première question de Mme Fonck a très bien été formulée par M. Dallemagne. Mme Fonck évoque une lettre ouverte au gouvernement datée du 22 août, qui proviendrait des syndicats et des présidents des zones de secours. J’ai effectivement reçu une lettre ouverte datée du 22 août 2017. Néanmoins, cette lettre n’émanait que d’un seul syndicat. Les présidents des zones de secours n’y étaient pas associés. J’ai répondu à ce syndicat en date du 18 septembre 2017.

Monsieur Vanden Burre, je n’ai jamais refusé de répondre aux demandes de concertation du gouvernement bruxellois. La réforme de la protection civile et les possibles conséquences de la fermeture de l’unité opérationnelle de Liedekerke figuraient à l’ordre du jour du comité de concertation du 6 septembre 2017. La Région bruxelloise nous a invités à faire une concertation. Mon cabinet a répondu, mais le père de la personne ayant reçu ce mail était malade. Il n’y a plus eu de réponse. Les cabinets de M. Vervoort et de Mme Jodogne ont confirmé que nous avions répondu. Nous n’avons jamais fait preuve de mauvaise volonté. Nous avons toujours voulu participer à cette concertation.

Le comité de concertation du 6 septembre 2017 a pris acte des préoccupations formulées par la Région de Bruxelles-Capitale, qui estime que la réorganisation de la protection civile exercerait un impact négatif sur la sécurité de la population bruxelloise. Le comité a décidé de créer une task force, qui sera chargée d’étudier l’impact éventuel pour la Région de Bruxelles-Capitale et de prévoir, le cas échéant, un phasage afin de régler correctement ces conséquences, eu égard à la nouvelle organisation de la protection civile, d’une part, et à la sécurité des habitants de la Région de Bruxelles-Capitale, d’autre part, et ceci avant la fin de l’année. Nous avons aussi prévu un timing.

Monsieur Thiébaut, une première concertation a eu lieu le 25 août. Elle ne concerne que Bruxelles et n’a pas pour vocation d’intégrer les autres entités fédérées.

Monsieur Vanden Burre et monsieur Dallemagne, suite à la décision du comité de concertation du 6 septembre 2017, la première réunion de la task force relative à la Région de Bruxelles-Capitale aura lieu aujourd’hui.

Mon administration a pourtant envoyé une invitation aux diverses entités concernées pour organiser une première réunion le 28 septembre 2017, mais cette date ne convenait pas au SIAMU ni au cabinet Jodogne. Sont invités à la réunion d’aujourd’hui: la direction générale de la sécurité civile, le centre de crise, la haute fonctionnaire de l’arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale, le SIAMU et les deux cabinets compétents.

À l’issue de cette première réunion, un planning et un plan d’action seront élaborés pour aboutir à des réponses adéquates avant la fin de l’année.

Monsieur Dallemagne, en réponse à votre deuxième question, la réforme n’est pas suspendue dans l’attente des conclusions de ce groupe de travail. Celui-ci a pour but de permettre d’avancer dans le dossier en collaboration avec les organisations impliquées dans la sécurité civile à Bruxelles.

Monsieur Vanden Burre, j’en viens à votre troisième question. Je compte, durant le mois de novembre, commencer les négociations avec les organisations syndicales sur certains textes législatifs qui forment l’ossature de la nouvelle organisation de la protection civile.

Monsieur Dallemagne l’unité de Liedekerke est toujours compétente pour intervenir à Bruxelles et ce jusqu’à la date de sa fermeture, le 1er janvier 2019. Dans le futur, les unités de Brasschaat et de Crisnée seront compétentes pour intervenir à Bruxelles. Si, d’aventure, l’imminence d’un attentat devait être avérée dans le cadre de l’analyse de la menace, les moyens d’une ou des deux unités pourraient être pré-positionnés à Bruxelles. De plus, je répète que pour les situations d’urgence, c’est le service d’incendie compétent qui doit intervenir en première ligne. C’est vrai pour toutes les casernes et pas seulement celle de Liedekerke.

Nous disposons de cette task force. Les tâches accomplies actuellement par la protection civile doivent maintenant être transférées vers les zones de secours. Nous allons d’abord les transférer et vérifier si les compétences sont présentes et s’il y a du personnel et du matériel avant de fermer la caserne de la protection civile. C’est assez logique.

La suite se rapporte à des questions de Mme Fonck et de M. Thiébaut.

Les zones de secours doivent accomplir un certain nombre de missions légales. Chaque zone de secours doit, sur la base d’une analyse des risques et en fonction du taux de service qu’elle fixe, établir un programme pluriannuel de politique générale, un schéma d’organisation opérationnelle et un plan du personnel. Certaines zones de secours manquent encore structurellement ou ponctuellement de personnel opérationnel. Une bonne gestion des ressources humaines doit permettre de résoudre les difficultés de sous-effectif ponctuel.

L’arrêté royal qui modifie la répartition des missions entre les zones de secours a été signé par le Roi le 20 septembre 2017 et publié au Moniteur le 9 octobre 2017. Il entre en vigueur le 1er janvier 2019. Il s’agit surtout de reformulations et de modifications mineures. Des missions reviendront à la protection civile, par exemple le conseil en matière de substances dangereuses. La différence la plus grande concerne le fait que la protection civile n’intervienne plus pour les missions qui doivent être assumées par les zones de secours.

L’arrêté royal déterminant l’implantation des deux unités opérationnelles de la protection civile a été signé par le Roi le 8 octobre 2017 et est paru au Moniteur le 16 octobre 2017. Il entre en vigueur le 1er janvier 2019. La date de fermeture des quatre unités est donc le 31 décembre 2018.

Pour être certain que la sécurité des citoyens ne sera pas compromise, des task forces ont été constituées dans chaque unité. Pour celles qui accomplissent des tâches de première ligne, les task forces se penchent aussi sur le transfert de ces tâches.

La réforme de la protection civile permet de délimiter clairement les missions des zones de secours et celles de la protection civile. Cela permettra d’éviter que la protection civile assume des missions clairement dévolues aux zones de secours. Cette pratique d’utilisation des moyens fédéraux à la place des moyens locaux, étant limitée à certaines contrées, était discriminante envers les zones de secours qui n’en bénéficiaient pas.

Toutes les autres dispositions doivent encore être négociées avec les syndicats et être approuvées par le Conseil des ministres. Plusieurs réunions d’information entre mon administration et mon cabinet se sont déjà tenues avec les organisations syndicales. Divers textes légaux ont été présentés à cette occasion. Les organisations syndicales ont alors eu la possibilité d’émettre leurs remarques, qui ont, dans la mesure du possible, été intégrées dans de nouvelles versions de ces textes.

Dans les grandes lignes, la proposition est la suivante. Le personnel actuellement en service pourra postuler en vue de rester membre opérationnel de la protection civile, en profitant au passage d’un nouveau statut nettement plus avantageux, puisqu’il sera très largement copié sur celui des pompiers.

Pour les agents de la protection civile qui seront transférés vers les zones de secours, je prévois des moyens financiers dégressifs afin que les zones de secours puissent les reprendre. Les zones de secours auront donc la possibilité de lancer un appel à candidatures réservé aux membres opérationnels de la protection civile. Il n’y a aucune répartition ni quota puisque les zones de secours seront entièrement libres de recourir ou pas à ce mécanisme de mobilité, qui fera l’objet d’incitants financiers pour les zones.

La réglementation actuelle et les importants moyens budgétaires fédéraux accordés permettent à chaque zone de secours de remplir ses missions légales actuelles et futures. Les zones de secours peuvent toutefois également intervenir en dehors de ces missions légales, par exemple pour la destruction non urgente des nids de guêpes. Dans ces seuls cas uniquement, des services privés pourront également intervenir. Ces services privés existent depuis longtemps. Il n’y a en réalité qu’une privatisation de certaines tâches exécutées traditionnellement par les services de secours mais qui n’appartiennent pas à leurs missions légales. L’augmentation du nombre d’acteurs dans ces domaines ne peut qu’être bénéfique pour les citoyens.

Un projet de loi pour la création de la nouvelle direction de la sécurisation (DAB) au sein de la direction générale de la police administrative de la police fédérale est en cours de traitement à la Chambre. Elle est prévue à l’agenda de la séance plénière de demain.

Une disposition relative aux transferts sur base volontaire des membres du personnel en service actif de la direction générale sécurité civile du Service public fédéral Intérieur, revêtus du grade de brigadier opérationnel ou de collaborateur opérationnel, vers le cadre des agents de sécurisation de police, y est effectivement prévue.

Une négociation avec les partenaires syndicaux a eu lieu en date du 26 septembre 2017 et a abouti à un protocole d’accord unanime.

Un projet d’arrêté royal organisant le transfert de certains membres du personnel de la direction générale de la sécurité civile du Service public fédéral Intérieur vers le cadre d’agents de sécurisation de police de la police fédérale est en cours de finalisation auprès de mes services. La procédure de négociation concernant ce projet d’arrêté royal sera entamée dans les prochaines semaines.

03.05 Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je vous remercie pour ces réponses. Tout d’abord, je prends acte du fait que vous n’avez jamais refusé de discuter avec la Région bruxelloise. Tant mieux! Aussi, peut-on s’interroger au sujet de toutes ces menaces et ces déclarations tonitruantes dans la presse venant de part et d’autre. Cela reste pour moi un mystère. Tirer la sonnette d’alarme, telle qu’elle avait été enclenchée en juillet sur la base d’une absence d’ouverture de discussions de votre part, alors que vous me dites avoir toujours répondu, soit! J’en prends acte, mais j’espère qu’effectivement, le dialogue et la collaboration pourront se poursuivre, car de telles manières d’opérer ne me paraissent pas du tout efficaces et pas du tout en lien avec l’importance du sujet, qu’il s’agisse de la protection civile pour l’ensemble de la Belgique ou pour Bruxelles en particulier, puisqu’on connaît de nouveau, je le rappelle, le niveau de menace et le sentiment de sécurité autour de la Région bruxelloise, éléments qui figurent parmi les préoccupations principales de nos concitoyens.

Je prends note de la mise en place d’une task force avec les différents cabinets et centres de crise concernés, etc. Mais pourquoi ne met-on pas une telle task force en place avant de décider de la réforme et de passer les arrêtés royaux. J’ai le sentiment que l’on procède à l’envers. On se demande si cela ne va pas causer des problèmes, alors que, selon les résultats de cette task force, des modifications potentielles seront apportées d’ici la fin de l’année. Or, l’arrêté royal a déjà été passé, les casernes fermeront au 1er janvier prochain. J’ai l’impression que l’on travaille à l’envers, voire…

03.06 Jan Jambon, ministre: Le 1er janvier 2019!

03.07 Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Oui, le 1er janvier 2019! La remarque reste pertinente. Pourquoi ne pas organiser de telles task force et de tels groupes de travail avant de prendre des décisions et de faire passer les arrêtés royaux ?

Sauf erreur de ma part, vous avez dit que si la menace est très importante à Bruxelles, vous avez veillé à accumuler du matériel et des ressources sur Bruxelles. Pourrais-je avoir plus de précisions? Via quelle entité ou via quels types de mécanismes?

03.08 Jan Jambon, ministre: Il s’agit d’une gestion de crise (CP-OBS avancé) comme on le ferait à Liège, Ostende ou Charleroi.

03.09 Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Il ne s’agit donc pas d’une mesure qui compenserait la fermeture de l’unité de Liedekerke. Il s’agit d’une procédure normale, parce que je l’avais perçue comme un élément nouveau.

En tout cas, aujourd’hui, rien n’est fait pour compenser! Nous verrons les résultats de la task force.

Concernant les autres fermetures, celle de Ghlin en particulier, vous étiez, avant l’été en commission de l’Intérieur, favorable, me semble-t-il, au maintien d’une partie de l’infrastructure ou des effectifs sur place. J’imagine que ce n’est plus du tout à l’ordre du jour.

03.10 Jan Jambon, ministre: Pour Ghlin, six ou neuf personnes sont prévues pour les tâches liées au SHAPE.

03.11 Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): OK! C’était ma question! Voilà pour Ghlin!

Dernier point. J’ai sous les yeux plusieurs articles de presse, selon lesquels les zones de secours se sentent obligées de faire appel à des agents de gardiennage privés pour effectuer certaines tâches. Vous considérez l’intervention de différents acteurs comme positive.

Vous connaissez notre avis à cet égard. Nous estimons que ce type de tâche régalienne ne doit pas être transféré vers le privé. Ma question vise à savoir le cadre législatif suivant lequel ces agents privés vont exercer. S’agit-il du même cadre que celui de la loi que nous avons votée? J’imagine que non! Sous quel cadre législatif ces coopérations de nouveaux acteurs privés vont-elles se dérouler dans les zones de secours?

03.12 Jan Jambon, ministre: C’est un contrat entre un client (la protection civile) et un fournisseur de services. Nous n’avons pas élargi cette possibilité. Elle existe depuis longtemps. Il est clair que ce que j’appelle les tâches « chaudes » ne sont jamais laissées au privé. Cela concerne davantage des opérations banales pour lesquelles les unités de protection civile décident elles-mêmes de lancer ou non un marché. Il n’y a en la matière aucun changement de politique qui viserait à transférer des tâches vers le secteur privé.

03.13 Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Je prends bonne note qu’il n’y aura pas de changement de législation en la matière. Nous constatons, au travers des retours que nous avons du terrain concernant différentes zones de secours, qu’il est de plus en plus fait appel à des agences de gardiennage privé. Pour nous, ce facteur reste préoccupant même s’il ne s’agit pas de tâches « chaudes » comme vous les appelez, mais une prérogative régalienne qui s’intensifie vers le privé.