Il n’est pas question de savoir si nous l’acceptons ou pas, mais bien de
déterminer comment cette révolution peut servir au mieux la société, de
façon la plus inclusive possible.

La révolution numérique est un fait depuis de nombreuses années. Chaque
semaine ou presque, une nouvelle annonce nous laisse entrevoir des nouvelles
technologies susceptibles d’affecter nos modes de vie ou habitudes futures: des
voitures sans conducteur qui se déplacent sans problème dans le trafic, des
trains dépassant les 1.000 km/heure, des robots ménagers pouvant nettoyer et
cuisiner, des objets interconnectés pouvant interagir sans intervention humaine,
des drones effectuant des livraisons à domicile, des usines entièrement
automatisées ou des villes « intelligentes » gérant instantanément le trafic ou la
collecte des ordures grâce à un réseau de puces électroniques.
L’amplification récente de ce phénomène est corrélée à plusieurs facteurs. Il
faut tout d’abord prendre en compte l’émergence d’internet et la possibilité d’y
avoir accès à tout moment, n’importe où et à des vitesses de connexion
toujours plus importantes. Cette connectivité accrue, voire démesurée, a non
seulement influencé notre manière de travailler mais aussi de consommer ou
de communiquer avec nos proches.

Bouleversements multiples
Dans un deuxième temps, ces développements numériques ont permis la
montée en puissance de services en ligne et de plateformes collaboratives (ou
de partage) servant de support à tout type d’échanges, rémunérés ou non, qui
ont déjà envahi notre quotidien. Enfin, les dernières avancées en lien avec
l’internet des objets, les mégadonnées (ou big data), ou encore le partage
massif et libre d’informations entre particuliers (peer to peer) complètent le
tableau de ce que nous pouvons qualifier de 4e révolution industrielle.
Concrètement, celle-ci permet déjà à des machines de communiquer entre elles
ou à des robots de collaborer entre eux de manière autonome. L’intelligence
artificielle, ou en tout cas ses prémices, ne fait donc plus partie du vocabulaire
de science-fiction mais devient réalité.
Cette véritable révolution numérique et technologique consacre également
l’émergence de nouveaux modèles économiques remettant en cause de
nombreux acquis liés à notre protection sociale, notre fiscalité, notre rapport au travail, et notre environnement.

Il faut dès lors s’attendre à des
bouleversements multiples qui n’épargneront aucun pan de la société. C’est ce
qui constitue la principale rupture avec les innovations technologiques et les
révolutions industrielles précédentes.
À court et moyen termes, les conséquences sur l’emploi seront les plus visibles
et les plus importantes pour notre société car toute une série de postes de
travail risquent de disparaître. Pour s’en persuader, il suffit de songer un instant
à l’arrivée de l’e-mail et de la distribution via internet dans le secteur postal, du
self-scanning dans les supermarchés, des transactions en ligne dans le
domaine bancaire ou de robots de plus en plus perfectionnés dans les usines
manufacturières.

De plus, les progrès récents tendent à menacer aussi les fonctions à plus
hautes qualifications. En effet, on peut à présent programmer des ordinateurs
pour reconnaître des structures, avancer des hypothèses, anticiper des
réactions, appliquer des solutions et même passer d’une langue à l’autre en
temps réel.

Le but ici n’est pas de donner des sueurs froides mais bien de démontrer
l’ampleur du mouvement qui touchera tous les types d’emplois et de profils.
Certaines études estiment en effet qu’il y aurait jusqu’à 49% des emplois
actuels qui seraient menacés par l’automatisation… sans prendre en compte
toutes les nouvelles fonctions, encore inconnues aujourd’hui, qui vont être
créées. La nécessité de se réinventer est donc impérieuse en vue de saisir les
opportunités et de faire face aux risques que va apporter cette transformation
radicale du monde du travail.
Le monde politique ne peut rester les bras croisés. Et si les déclarations
d’intention et les appels à la mobilisation se multiplient, cela reste par contre
beaucoup trop timide, voire insuffisant, en ce qui concerne les actions
concrètes.

Consulter puis recommander
C’est la raison pour laquelle un groupe de travail vient d’être créé au niveau
fédéral sur base d’une proposition d’Ecolo-Groen. Son objectif? Largement
consulter la société civile et remettre au Parlement en fin d’année un rapport
contenant des constats et des recommandations en vue de prendre des
mesures législatives ou de porter des positions à l’échelle européenne. Les
Parlements néerlandais et allemands ont déjà réalisé de tels exercices avec
succès et constituent des sources d’inspiration. Quatre piliers thématiques
devront, à minima, être traités:
– La dimension « emploi »: statuts, formations et revalorisation du non-marchand.
– La dimension sociale: financement de la sécurité sociale et transition dans les
carrières.
– La dimension fiscale: nouvelles sources de recettes fiscales, notamment en
lien avec les Gafa.
– La dimension environnementale: impact sur l’exploitation des ressources
naturelles et l’empreinte carbone.

Cette révolution numérique est déjà à l’oeuvre depuis de nombreuses années.
L’Europe est clairement à la traîne des Etats-Unis et de l’Asie, et le fossé ne
cesse de se creuser. Il n’est donc pas question de savoir si nous l’acceptons ou
pas, mais bien de déterminer comment cette révolution peut servir au mieux la
société, de façon la plus inclusive possible.
L’humain doit rester maître de la technologie et la guider afin d’en retirer le
maximum au bénéfice du bien-être collectif. C’est pour cette raison qu’il n’y a
plus un instant à perdre pour agir.

GILLES VANDEN BURRE, DÉPUTÉ FÉDÉRAL ECOLO