Monsieur le président, monsieur le ministre, à la mi-avril, la presse annonçait l’arrivée d’un premier détenu dans la nouvelle aile adaptée spécialement pour accueillir des détenus radicalisés de la prison d’Ittre. La création de cette aile, comme celle annoncée à la prison d’Hasselt, est fortement critiquée tant à l’intérieur des prisons, par les agents pénitentiaires, qu’à l’extérieur.

Si le principe peut paraître intéressant, sa mise en pratique pose de nombreuses questions. La première question est évidemment celle des moyens. Une partie des 400 millions promis par le gouvernement suite aux attentats de Paris devrait être allouée aux prisons, notamment pour l’encadrement de ces ailes spécialisées. D’après les syndicats, ce budget devrait permettre d’engager 54 personnes pour la surveillance et 18 pour les services psychosociaux.

Mais les agents pénitentiaires mettent en avant un manque chronique de personnel qui ne pourra être résorbé par ces quelques engagements. Un autre aspect qui pose question est la formation du personnel qui sera affecté au suivi des détenus placés dans ces ailes.

Enfin, il reste la question du choix des détenus qui seront orientés vers ces ailes, aspect que vous avez fort peu explicité jusqu’ici.

Monsieur le ministre, quelle partie exactement des 400 millions a-t-elle été affectée aux prisons? Quelles prisons en ont-elles bénéficié? À quoi a été ou sera affecté cet argent? De quelle formation les agents pénitentiaires affectés à ces deux ailes accueillant les détenus radicalisés ont-ils bénéficié ou bénéficieront-ils? De même, qu’en est-il de la formation des intervenants psychosociaux qui prendront en charge ces détenus? Un programme spécifique sera-t-il mis en place? Par qui et sur la base de quels critères les détenus déplacés vers ces ailes seront-ils choisis?

Koen Geens, ministre: Monsieur le président, monsieur Vanden Burre, de la provision interdépartementale au budget général des dépenses, 5,4 millions d’euros ont été affectés aux projets relatifs à la radicalisation dans les prisons. Ce budget est transféré au budget de la Justice en fonction de la réalisation concrète des actions.

Actuellement, une demande de transfert est examinée par l’Inspection des Finances et a été déposée auprès du SPF Budget. Il s’agit surtout d’un renforcement du personnel par 100 effectifs temps plein pour un montant estimé à 3,3 millions, 1,2 million de frais de fonctionnement et 0,9 million de frais d’investissement. Parmi ces 100 effectifs supplémentaires, il y aurait 36 agents pénitentiaires supplémentaires. Les autres temps pleins concernent différentes fonctions de coordination, d’intervention psychosociale et de formation.

Les agents pénitentiaires, les intervenants psychosociaux mais aussi les membres de la direction ont tous suivi une formation spécifique axée sur la gestion des détenus qui présentent un risque important sur le plan de la radicalisation.

Pour les agents pénitentiaires, la formation a abordé le plan d’action en matière de radicalisation, de phénomène de radicalisation, les préceptes de base de l’islam, les processus menant à la radicalisation et au passage à l’acte et les symboles liés à ces mouvements radicaux. Des exercices pratiques ont lieu dans l’aile de simulation. La formation a également été axée sur le thème de la communication non violente et de la gestion des conflits.

Pour les autres, la formation a été axée, entre autres, sur la façon d’identifier des situations problématiques de radicalisation et d’extrémisme violent et sur la façon d’intervenir de manière optimale et d’en faire rapport.

Pour rappel, le plan d’action contre la radicalisation dans les prisons du 11 mars 2015 prévoit que l’accueil des détenus radicalisés se base sur une double stratégie. Concrètement, il n’est donc pas opté pour une concentration systématique des détenus radicalisés. Ces détenus sont, dans un premier temps, intégrés au maximum dans les sections ordinaires, dans la mesure où il sera estimé que le processus de radicalisation peut être maîtrisé. Ce n’est que lorsque les détenus constituent un risque sérieux sur le plan de la radicalisation qu’ils pourront être orientés vers une section spécialisée, le but étant d’empêcher qu’ils ne se livrent à du prosélytisme et ne propagent leurs idées.

Les détenus radicalisés doivent faire l’objet d’un screening par des collaborateurs du service psychosocial central, formés à cet effet. Cette sélection est, entre autres, réalisée sur la base d’informations émanant des services de renseignement et de sécurité et de l’administration pénitentiaire locale. Le service psychosocial central transmet ensuite un rapport avec avis à la direction régionale via la direction locale. La décision finale de placement en section spécialisée est de la compétence de la direction régionale.

Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses. J’ai bien noté vos explications relatives aux budgets. Toutefois, la sélection des détenus en vue de leur affectation dans les différentes ailes n’est pas claire. En tout cas, nous demanderons une évaluation de ces ailes radicalises, des politiques qui y sont menées et des résultats obtenus. Il sera intéressant de procéder à une évaluation à la fin de l’année et peut-être même avant si nécessaire.

Question orale posée en commission de la Justice le 18 mai 2016.