À la suite des attentats du 22 mars et du renforcement des mesures de sécurité dans l’espace public, la presse s’est fait l’écho de nombreuses plaintes de citoyens ayant dû subir des fouilles de la part de militaires ou de patrouilles de gardiennage privées. De nombreux retours de terrain nous sont
également parvenus à ce sujet.

Concernant les militaires, le cabinet de votre collègue en charge de la Défense, M. Vandeput, a confirmé que ceux-ci ne pouvaient effectuer de fouilles qu’en présence de policiers et avec leur autorisation. Il faut en outre que la personne fouillée donne son accord.

En ce qui concerne les firmes de gardiennage privées, il nous revient que des fouilles ont notamment eu lieu à l’entrée de salles de concert comme Forest National. Certains citoyens s’en sont plaints au  bourgmestre de Forest qui a confirmé, dans un courrier, avoir autorisé la fouille systématique sur l’espace public par une société de gardiennage privée, étant donné le niveau 3 et l’affluence prévue pour certains concerts.

Malheureusement, peu de citoyens connaissent leurs droits dans ce  domaine et c’est ce qui m’amène à vous poser les questions suivantes. D’abord, confirmez-vous que les militaires ne peuvent  effectuer de fouilles, ni de sacs ni de personnes, sans présence  policière et sans accord de la personne visée?
Y a-t-il eu des plaintes de citoyens pour fouilles illégales depuis que les militaires sont présents dans nos rues? Les militaires ont-ils été informés sur ce qu’ils peuvent faire, sur les conditions à respecter et les limites à ne pas franchir? Sinon, envisagez-vous de le faire?
Par ailleurs, qu’en est-il pour les agents de gardiennage privés? Sont-ils autorisés à fouiller nos concitoyens? Enfin, un bourgmestre peut-il  autoriser de telles fouilles par une entreprise de gardiennage privée et dans quels cas?

Merci d’avance pour vos réponses.

Jan Jambon, ministre: En ce qui concerne votre première  question, sur le plan légal, les militaires n’ont en effet pas le droit de  procéder de manière contraignante à la fouille de personnes et au contrôle de bagages. Les fouilles opérées par les militaires doivent donc reposer sur le consentement des personnes soumises au contrôle.

La présence policière est nécessaire dès lors que la mesure de  contrôle doit être appliquée de manière contraignante, c’est-à-dire en cas de refus de la personne fouillée. Deux mesures sont envisageables lorsque ce cas de figure se présente. Soit, l’accès au lieu est refusé à la personne concernée. Les militaires sont en droit de le faire sans la présence de la police. Soit, les circonstances exigent que la fouille et le contrôle des bagages soient opérés de manière contraignante.

Par exemple, lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire que la personne a commis une infraction ou s’y prépare, ce qui permet de contrôler son identité et, le cas échéant, de procéder à une fouille de sécurité. Dans ce cas, les fonctionnaires de police interviennent.

Réponse à la deuxième question: Les services de police ne sont pas au courant de plaintes en ce qui concerne les fouilles illégales.

Réponse à la troisième question: Comme pour tout engagement de forces armées en appui des services de police, une note relative aux rules of engagement des militaires dans le cadre de la sécurisation des lieux publics suite aux attentats a été adressée par la commissaire générale de la police fédérale aux autorités militaires.
Ces rules of engagement reprennent de manière explicite l’interdiction  pour les militaires de fouiller les personnes et leurs bagages de manière contraignante, c’est-à-dire sans le consentement des personnes concernées.

J’en arrive à votre quatrième question. La loi relative à la sécurité privée et particulière permet la fouille des personnes et le contrôle des bagages dans deux cas: dans le cadre des contrôles d’accès et dans le cadre de contrôles à la sortie de certains lieux. Dans deux cas, la loi n’autorise pas les agents de gardiennage à faire usage de la contrainte. La fouille de la personne et le contrôle de ses bagages ne pourront avoir lieu que moyennant le consentement de celle-ci. Ces fouilles et contrôles ne peuvent en outre être mis en oeuvre que dans les circonstances conformément aux modalités et pour les finalités particulières déterminées par la loi précitée: détection d’armes et d’objets dangereux, prévention et constatation de vols.
Enfin, je précise que la loi relative à la sécurité privée et particulière dispose explicitement que les agents de gardiennage ne peuvent, en particulier lors du contrôle d’une personne, faire usage de la contrainte ou de la force à l’exception de ce qui est nécessaire dans le cadre de la légitime défense ou de l’arrestation citoyenne.
Pour la mise en oeuvre de fouilles de personnes et de contrôles de bagages à l’entrée d’un lieu accessible au public, la loi relative à la sécurité privée et particulière impose d’obtenir l’accord préalable du bourgmestre. Dans le cadre de sa mission de maintien de l’ordre sur le territoire de sa commune, le bourgmestre peut en outre imposer au propriétaire ou gérant d’un lieu ou l’on danse, de mettre en place un service de gardiennage qui pourrait, moyennant le respect des conditions précitées, procéder à des contrôles à l’entrée, en ce compris la fouille des personnes et le contrôle de bagages. Le fait que
le bourgmestre autorise ou impose la mise en oeuvre de contrôles à l’entrée de certains lieux par un service de sécurité privée ne porte pas atteinte au droit des personnes de consentir ou non à ceux-ci.

Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je vous remercie pour cette réponse.

On reçoit de nombreux messages de citoyens qui s’interrogent sur les règles et sur ce qui est en vigueur. Via les communes ou les zones de police, il faudrait lancer des campagnes d’information spécifiques. Il existe en tout cas un flou sur les sociétés de gardiennage privées et les militaires. Peut-être davantage d’articles de presse ont-ils pu clarifier le rôle des militaires? Par contre, pour ce qui concerne les agents privés, cela me paraît beaucoup moins clair.

Enfin, j’en viens à ce qui était en filigrane dans la question que je vous ai transmise. Dans le courrier de réponse du bourgmestre de Forest que j’ai pu consulter sur Forest National, il fait un lien avec le niveau 3 de la menace. Or, dans votre réponse, je ne vois pas de lien avec le niveau de la menace.
Jan Jambon, ministre: Si, car le protocole dont j’ai fait mention stipule que la présence des militaires dans les rues est justifiée uniquement en phase 3 ou 4.

Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Oui mais il n’y a pas de lien avec les agents privés.

Jan Jambon, ministre: Non, cela n’a rien à voir.

Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): C’est ce que je pensais aussi. Nous resterons en tout cas attentifs à ce sujet important et nous reviendrons certainement sur le dossier prochainement.

 

Question orale posée en commission de l’Intérieur le 22 juin 2016.