Monsieur le premier ministre, le 28 mai dernier, vous avez déclaré dans le cadre d’une interview au Standaard qu’ « un modèle avec des élections tous les quatre ans n’est peut-être pas suffisant pour créer la confiance et la participation », et vous avez alors proposé d’organiser des référendums entre les élections. « De cette façon, nous pouvons ouvrir le débat sur des choix sociétaux importants.

Aux moments-charnières, le pouvoir appartient aux citoyens. » Sur le côté pratique d’une telle initiative, vous ne vous êtes par contre pas prononcé. Sans réelle surprise, cette proposition a été fraîchement accueillie par vos partenaires de majorité, à part l’Open Vld qui s’est dit « ouvert au débat », sans doute par solidarité libérale. Comme vous le savez peut-être, la démocratie participative est un sujet cher aux yeux des écologistes et nous sommes tout à fait convaincus qu’il est nécessaire d’impliquer davantage nos concitoyens dans le débat public et dans les processus de décision publique, que ce soit au niveau local, régional, fédéral ou européen. Nous avons par ailleurs rédigé et déposé à de nombreuses reprises des propositions allant dans ce sens. Vos déclarations sur le référendum ont dès lors attiré toute mon attention et tout mon intérêt, ce qui m’amène à vous poser les questions suivantes.

Est-ce que vous avez davantage d’éléments concernant les détails pratiques du référendum, tel que vous l’aviez à l’esprit quand vous avez fait cette déclaration? Est-ce que vous comptez prendre une initiative concrète en ce sens dans les mois à venir? Du côté du groupe Ecolo-Groen, nous sommes également en train de réfléchir à un ensemble d’éléments pour encourager la démocratie participative et nous sommes en train de finaliser une proposition permettant de créer une commission parlementaire mixte, composée à parité de citoyens et de députés, afin justement de pouvoir débattre ensemble des choix sociétaux importants et d’émettre des recommandations.

Cette initiative s’inscrit clairement dans une volonté de promouvoir une démocratie plus directe et une plus grande participation citoyenne. Que pensez-vous d’une telle initiative, qui, me semble-t-il, relève de la catégorie des référendums et des consultations populaires. Le cas échant, sur le principe, pourriez-vous soutenir une telle initiative et un tel texte, en cours de finalisation?

Je vous remercie d’avance pour vos réponses.

Charles Michel, premier ministre : Monsieur le président, monsieur le député, le 28 mai dernier, à  l’occasion d’une interview dans un journal de presse écrite, De Standaard, j’ai exprimé mon intérêt quant au recours au modèle du référendum comme outil permettant dans certains cas de renforcer la démocratie participative ou directe. Je mets l’accent sur le fait que ce n’était pas le message principal dans le cadre de cette interview, mais un message secondaire.

Je partais du constat, en réponse à des questions qui m’étaient adressées, que partout en Europe, on ressent bien des questionnements sur la manière de renforcer notre modèle démocratique. Il suffit de regarder la popularité croissante de certains partis populistes dans le champ européen.

Dans ce cadre, il me paraît utile, de manière prospective, de réfléchir à la question de savoir comment on peut renforcer la confiance des citoyens envers les institutions et envers le modèle démocratique, peut-être à travers un modèle plus participatif. Chacun ici, je crois, est conscient qu’il faut en permanence revitaliser la démocratie et réfléchir à la manière dont on peut améliorer ce système démocratique, par exemple en donnant plus d’espace de participation aux citoyens.

J’ai été clair dans cette interview, et je le suis encore aujourd’hui: l’accord de gouvernement ne prévoit absolument rien à ce sujet et il n’y a pas, à l’heure actuelle, de projet concret sur la table du gouvernement. J’ai d’ailleurs exprimé clairement qu’il y avait d’autres priorités aujourd’hui que celle-là.

J’ai indiqué que les questions liées à la sécurité, au développement économique, aux réformes structurelles, à l’assainissement budgétaire devaient retenir toute notre attention de manière prioritaire. J’ai donc exprimé une opinion personnelle et prospective que j’assume totalement.

Je pense par ailleurs que le référendum est un instrument qui doit être utilisé avec une certaine prudence et dans un cadre bien défini. Cela requiert en effet beaucoup de préparation, d’information du public mais aussi l’instauration d’un cadre et de règles claires. Il y a toujours le risque que les citoyens répondent à une autre question que celle qui est posée dans le cadre du référendum. Je sais qu’il y a déjà dans notre pays des systèmes de consultation populaire; c’est par exemple le cas en Région wallonne avec un cadre strict qui organise les modalités et le type de questions susceptibles d’être posées dans le cadre d’une telle consultation.

J’ajoute que, au sens strict, un référendum n’est pas compatible avec la Constitution dans l’état actuel. La consultation populaire n’a pas d’effet décisionnel alors que le référendum en a un. La majeure partie des juristes considèrent qu’il n’est pas possible, constitutionnellement, d’organiser des référendums aujourd’hui.

Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Monsieur le premier ministre, je vous remercie pour vos réponses.
Je comprends que vous ayez d’autres priorités. C’est également notre cas mais cela n’empêche pas de pouvoir faire des constats et de mener des réflexions sur notre modèle démocratique. Il est important d’avoir des questionnements au sujet de plus de participation, plus d’implication citoyenne dans des actes concrets de décision politique.

C’est essentiel, même si aujourd’hui cela paraît un peu secondaire. Pour l’avenir de notre démocratie et de son fonctionnement, c’est primordial. On le voit tous les jours dans les manifestations citoyennes qui peuvent se faire jour, en Europe ou ailleurs.

Je reviens sur ma deuxième question à laquelle vous n’avez pas du tout répondu. Je sais que rien ne figure à ce sujet dans l’accord de gouvernement mais on pourrait peut-être imaginer que des citoyens participent à nos travaux en commission à la Chambre, au même niveau que les députés. Cela se fait dans d’autres pays. Quel est votre avis en la matière? C’est un chemin que les écologistes estiment très intéressant. Nous allons prochainement soumettre un texte car la réunion des représentants du peuple et des citoyens nous paraît une piste particulièrement pertinente. Cela pourrait mener à des compromis extrêmement intéressants. J’aurais aimé avoir votre avis sur ce principe.

Question orale posée en commission de l’Intérieur le 5 juillet 2016.