AGATHE BEAUJON (ST.), l’Echo du jeudi 9 mars 2017
« Une action, deux voix »: Ecolo propose d’introduire ce principe en Belgique. L’objectif? Valoriser l’actionnariat stable de long terme.
Ecolo veut instaurer la possibilité d’un vote double pour certains actionnaires de sociétés anonymes (SA) et de sociétés privées à responsabilité limitée (SPRL). Cette mesure viserait à promouvoir un actionnariat stable et durable, afin, estime-t-on chez Ecolo, de lutter contre la financiarisation de l’économie et la recherche du profit à court terme, au détriment du projet d’entreprise et du maintien de l’activité.
L’actualité récente, avec une série de fermetures ou lourdes restructurations (Caterpillar, ING, Moulinex…) a poussé Ecolo-Groen à relancer une réflexion autour de l’actionnariat des sociétés, à réfléchir sur le rôle de l’actionnariat public, et sur la façon d’encourager un comportement stable avec une vraie vision de long terme des actionnaires.
Cette mesure « anti-OPA » vise à lutter contre les puissants groupes financiers ou fonds de pensions qui rachètent des entreprises, sans vision industrielle de long terme, avec pour unique objectif la rentabilité à court terme, et « peu scrupuleux de maintenir l’activité dans nos régions », selon le député Ecolo Gilles Vanden Burre, auteur de la proposition. Le vote plural (plusieurs voix par action) existait en Belgique jusqu’en 1934, date à laquelle il a été supprimé pour lutter contre une trop grande concentration des pouvoirs entre quelques mains, fermant la porte à de nouveaux capitaux. Mais pour le député Vanden Burre, on est aujourd’hui tombés dans un excès inverse, du fait de la « mondialisation débridée ». Un retour du vote double bien encadré serait donc, pour lui, le moyen de favoriser l’économie réelle contre l’économie de spéculation.
Une action, deux voix
Concrètement, au lieu du principe « une action, une voix », le droit de vote double instaurerait la possibilité pour certains actionnaires d’avoir deux voix pour une action, cassant la proportionnalité exacte entre le capital investi par un actionnaire et les droits de vote dont il dispose.
Alors qu’il existe déjà pour les sociétés coopératives à responsabilité limitée, Ecolo veut introduire ce vote double pour tous les types d’entreprises.
Les entreprises cotées en Bourse, plus concernées par les reprises et la spéculation, justifient, pour les signataires de la proposition, un système plus fort. Pour les SA cotées, Ecolo veut un vote double obligatoire, qui concernerait les détenteurs d’action depuis un minimum de 2 ans. La mesure ne sera toutefois pas appliquée si les assemblées générales des grosses entreprises concernées la rejettent à 75%. Ce premier volet de la proposition s’inspire de la loi Florange en France, où 22 entreprises du CAC 40 ont déjà adopté ce vote double.
Pour les SA non cotées et les SPRL, le vote double restera une possibilité optionnelle. Ces entreprises auront le choix de changer ou non leurs statuts, et pourront décider quel type d’actionnaires aurait accès à ce vote double, la famille fondatrice ou les actionnaires locaux par exemple. Les entreprises concernées, surtout des PME, conserveraient leur liberté.
Cette mesure permettrait également de favoriser l’actionnariat public qui rime, pour Gilles Vanden Burre, avec vision de long terme.
Déjà adopté par plusieurs pays (France, Royaume-Uni, Etats-Unis…), le droit de vote plural fait aujourd’hui l’objet d’un débat animé en Belgique, selon les écologistes. Le Centre belge du droit des sociétés, composé de professeurs issus des différentes facultés de droit du pays, recommande une certaine dose de vote plural, selon les types de sociétés, et sous certaines conditions. La preuve, pour le député Vanden Burre, qu’il y a aujourd’hui une opportunité pour ce type de proposition. Le vote double serait « un bon système permettant de protéger les entreprises de comportements prédateurs », même s’il ne changera pas tout du jour au lendemain.
Face aux critiques récurrentes qui considèrent que le vote plural risque de décourager les investissements internationaux, le député Ecolo répond qu’il ne découragera que l’investissement de court terme, sans projet d’entreprise. « Un actionnariat en dessous de 2 ans c’est juste de la spéculation, ce n’est pas le type d’économie qu’on veut encourager », a expliqué Gilles Vanden Burre. « On assume cette position, en cohérence avec notre vision d’une économie durable. »