Tout ça, pour ça. Les journaux du groupe Mediahuis ont indiqué, lundi, qu’aucune procédure disciplinaire n’a été ouverte contre l’officier de liaison Sébastien Joris, qui avait été accusé de négligence par le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA), dans le cadre du retour en Belgique, via la Turquie, du terroriste Ibrahim El Bakraoui, un des kamikazes de l’aéroport de Bruxelles-National, le 22 mars.

Souvenez-vous. Ibrahim El Bakraoui, après un séjour en Syrie, est, en juin 2015, arrêté à Gaziantep par les autorités turques puis refoulé le 14 juillet 2015 vers les Pays-Bas. Au lendemain des attentats du 22 mars, le président turc Erdogan fait état publiquement de cette expulsion, laissant entendre que la Belgique, dûment prévenue, n’aurait rien fait pour surveiller El Bakraoui et pour l’empêcher de frapper.

Manque de proactivité

Le 25 mars 2016, le ministre de l’Intérieur, Jan Jambon (N-VA), rejette, en séance plénière du Parlement, la faute sur l’officier de liaison francophone de la police belge en Turquie, Sébastien Joris. Selon lui, celui-ci aurait manqué de « proactivité ».

Cette intervention a été préparée lors d’une réunion, le 23 mars, au cabinet du ministre, en présence de différents responsables de la police et… du président de la N-VA, Bart De Wever. Cette réunion porte sur les ratés dans la transmission d’informations entre la Turquie et la Belgique. Elle débouchera sur la démission, refusée, du ministre de l’Intérieur.

Lequel, quelques heures plus tard, changera de tactique, en accusant publiquement M. Joris de négligence alors que, le 24 mars, il avait reçu une ligne du temps précise montrant que le problème ne se situait pas chez l’officier de liaison.

Sébastien Joris disculpé en commission

Depuis lors, la commission d’enquête parlementaire sur les attentats du 22 mars a entendu Sébastien Joris et ses supérieurs, parmi lesquels Peter De Buysscher, directeur de la coopération policière internationale (CGI). Leurs auditions ont permis d’établir que M. Joris n’avait pas commis de faute. M. De Buysscher avait disculpé son subordonné, indiquant qu’il avait suivi toutes les procédures et insistant sur les difficultés de travailler avec les autorités turques.

Quelques heures après son audition, M. De Buysscher avait été « convoqué » par le ministre de l’Intérieur. Pour Ecolo, il s’agissait là d’une tentative d’intimidation, le cabinet du ministre et la police fédérale parlant, eux, d’une réunion « ordinaire ».

Quelques jours plus tard, M. Joris était lui aussi entendu par la commission « attentats ». Ses explications avaient convaincu, au point que l’opposition avait réclamé (et obtenu) l’audition de M. Jambon, aucun élément ne pouvant, à ses yeux, justifier ce qu’il avait dit trois jours après les attentats.

Lors de son audition, M. Jambon avait indiqué qu’une décision quant à une éventuelle procédure disciplinaire à l’encontre de M. Joris restait possible jusqu’au 31 mars. La procédure n’a donc pas été lancée. Lundi, le ministre a estimé qu’il fallait que des dispositions soient prises afin qu’un cas de figure comme celui survenu en Turquie ne se reproduise plus. Avant d’ajouter. « M. Joris a apparemment suivi la procédure. Son supérieur l’a confirmé. Mais dans ce cas, nous devons adapter la procédure. Ce n’est plus une question de discipline, mais cela n’écarte pas le fait qu’une erreur ait pu être commise par l’officier. »

Des excuses exigées

Ces propos ont fait bondir l’opposition écologiste Ecolo-Groen, qui réclame des excuses officielles du ministre. « Si une erreur a été commise dans ce dossier, c’est de la part de M. Jambon, très prompt à accuser l’officier de liaison. Aujourd’hui, il reconnaît implicitement son erreur. Nous lui demandons de le faire également officiellement », a scandé le député Gilles Vanden Burre.

A l’époque des accusations lancées par Jan Jambon, le SLFP Police avait traité le ministre de plus « grand des lâches » . « Le ministre a non seulement traîné un collègue publiquement dans la boue mais a, en plus, développé un pré-jugement évident, sans respecter les droits de la défense » avait déploré Vincent Gilles, le président du syndicat. Lequel, lundi, se réjouissait de la nouvelle. « Pour Sébastien Joris, homme honorable rétabli dans son honneur, et pour tout le personnel que les propos de M. Jambon avaient injustement éclaboussé. »