Question de M. Gilles Vanden Burre au vice-premier ministre et ministre de la Coopération au développement, de l’Agenda numérique, des Télécommunications et de la Poste, sur « les conditions d’obtention d’une licence postale suite aux recommandations européennes » (n° 20003)
19.01 Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, le 9 mai dernier en commission Infrastructure, je vous interrogeais sur les notifications de la Commission européenne à l’égard de la Belgique au sujet de son marché postal. Selon la Commission, ce marché se place dans une situation de monopole. Elle considère que les conditions d’obtention d’une licence postale sont trop complexes dans notre pays.
Vous m’aviez alors répondu de la manière suivante: « La Commission européenne a adressé à la Belgique un avis motivé. Elle a des objections pour ce qui concerne les conditions d’obtention d’une licence postale. Ces objections concernent l’obligation de pouvoir, dans les deux ans après le début de l’activité, garantir la distribution du courrier deux fois par semaine; l’obligation, dans les cinq ans après le début de l’activité, d’assurer la couverture territoriale; l’obligation d’appliquer un tarif uniforme, par client, sur tout le territoire de couverture obligatoire. J’ai l’intention de proposer d’abroger ces conditions d’obtention d’une licence postale dans le cadre de la nouvelle loi postale en cours d’élaboration au sein du gouvernement. L’exercice est complexe et prend un certain temps. Je garde toutefois l’espoir qu’un compromis puisse être trouvé pour qu’un projet puisse être soumis d’ici l’été au parlement. »
L’abrogation de ces trois conditions peut avoir des impacts importants sur le marché belge, que ce soit au niveau du degré de concurrence ou du level playing field par rapport à bpost. En particulier, la disparition de l’obligation d’appliquer un tarif uniforme sur tout le territoire permettra demain, par exemple, à un nouvel opérateur postal de distribuer le courrier à prix cassés au sein d’une zone urbaine comme la Région bruxelloise et de demander des prix prohibitifs pour d’autres régions du pays plus reculées ou moins densément peuplées.
Confirmez-vous vouloir abroger ces trois conditions d’obtention de licence postale? Quand comptez-vous présenter la nouvelle loi postale contenant cette abrogation? Une décision est survenue en Conseil des ministres vendredi dernier qui valide le texte en première lecture, mais l’abrogation s’y trouve-t-elle et quand aura-t-on la possibilité d’en discuter au parlement?
Si ces conditions sont abrogées, identifiez-vous de potentiels impacts négatifs sur le marché?
Enfin, comptez-vous prendre des mesures visant à compenser ces éventuels impacts en termes de dumping social, de concurrence déloyale (guerre des prix, utilisation de faux indépendants), de différences de prix importantes entre les différentes régions du pays?
19.02 Alexander De Croo, ministre: Madame la présidente, monsieur Vanden Burre, vous me demandez quand on pourrait en discuter au parlement. J’y suis. Posez des questions, j’y répondrai!
19.03 Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): (…)
19.04 Alexander De Croo, ministre: Vous évoquez par ailleurs la différenciation de tarifs d’un point de vue géographique. Celui qui exécute le service universel – pour l’instant c’est bpost – n’a pas la possibilité de différencier les prix. Il y a un tarif unique. Qu’on habite à Bruxelles, à Poperinge ou à Libramont, le tarif est exactement le même.
Vendredi dernier en effet, à mon initiative, le Conseil des ministres a donné son feu vert en première lecture au projet de la nouvelle loi postale. Le projet est actuellement soumis au Conseil d’État et je compte pouvoir le présenter au parlement après l’été.
Ce projet de loi prévoit de supprimer ces trois conditions d’obtention de licence postale. La suppression de ces règles répond aux objections de la Commission européenne qui avait demandé à la Belgique, fin avril, de les lever dans les deux mois suivants. En même temps, ce projet de loi garantit les conditions d’un travail de qualité pour le secteur postal.
Aujourd’hui, le secteur postal belge emploie plus de 25 000 personnes. Ce projet prévoit les conditions sociales équitables pour ces travailleurs, principalement pour les emplois contractuels, ce qui permettra de lutter efficacement contre le dumping social et la fausse indépendance.
19.05 Gilles Vanden Burre (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, je vous remercie. Je sais bien que l’abrogation découle de la notification de la Commission européenne. Cela dit, le marché postal belge va en être sensiblement affecté, car il emploie – ainsi que vous l’avez rappelé – plusieurs dizaines de milliers de personnes. Il importe donc de prévoir des conditions et des mesures strictes en termes sociaux et environnementaux.
Nous lirons attentivement le projet de loi que vous annoncez pour la rentrée. Ces conditions ont déjà été abrogées dans d’autres pays européens. De mémoire, le Royaume-Uni applique une différence de prix selon que le courrier est expédié à Londres ou ailleurs. Pour peu que de nouveaux acteurs arrivent sur le marché, qui y perdrait? Tout simplement, les gens qui vivent dans des régions plus reculées ou moins densément peuplées. C’est bien ce que nous voulons éviter.
Si j’ai bien compris, nous pourrons en rediscuter à la rentrée.
La présidente: Ce sera un grand débat, monsieur Vanden Burre et monsieur le ministre.